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Le roi de la bredouille !

14 avril 2023
une cane pilet se pose dans après midi mais pierre antoine n est pas là @hosselet

A l’heure où certains sauvaginiers se pavanent sur les réseaux sociaux grâce à des tableaux mirobolants, d’autres, et ils sont nombreux, ont beaucoup moins de chance… C’est le cas de Pierre-Antoine Delcamp qui a vécu un début de saison catastrophique, mais qui, sourire aux lèvres, a eu le courage de nous narrer ses mésaventures… 6 nuits, 6 bredouilles… Qui dit mieux ?

Qu’on se le dise, la chasse de nuit du gibier d’eau est une école d’humilité ! Il est des moments où tout veut sourire, ceux que nous aimons raconter, et d’autres où rien ne se goupille comme il le faudrait ! Les bredouilles, les coups de déveine, les erreurs… il faut avoir bien du courage pour accepter de les narrer… Pourtant, cela fait partie de notre passion et il n’est aucune honte à en parler ! Alors, si d’accoutumée nous vous emmenons au pays des tableaux qui donnent le sourire, cette fois c’est à « Bredouilleland » que nous posons nos bagages… En effet, Pierre-Antoine Delcamp, fidèle ami de la rédaction a accepté de nous conter son début de saison tout bonnement catastrophique… Accrochez-vous bien et effacez les sourires moqueurs de vos visages, car un jour, il se pourrait que le crapaud des malchanceux se glisse dans votre poche !

le soleil se lève sur une enième bredouille @privé

En général, quand la chasse a décidé de vous faire boire le calice jusqu’à la lie, elle n’attend pas les frimas de l’hiver ! Non, le breuvage maudit se consomme dès l’ouverture…

« 05 Août 2022, c’est la veille de l’ouverture au gibier d’eau dans ma belle Baie d’Authie, commente Pierre-Antoine. Le sac est prêt, le fusil est nettoyé, et le chien est aussi impatient que le maître ! Je chasse en Baie d’Authie sud grâce à un ami, Benoit, propriétaire de sa propre hutte en baie, la 53 ! Cela fait 6 ans maintenant que je fais l’ouverture là-bas, et c’est toujours le même rituel ! 14h, il est temps de partir chercher ma carte de baie ! Je charge la charrette, les affaires, mon sac de hutte et le chien saute côté passager ! 1h de route me sépare de Fort-Mahon. J’arrive au café qui vend les cartes, remplis les formulaires et me voilà parti rejoindre la baie ! Après 40 minutes de marche, j’arrive à la hutte ! Benoit est là, accompagné de Paco, son chien ! Nous ne faisons jamais de chasse miraculeuse à l’ouverture, mais un chevalier gambette ou un courlis corlieu viennent tous les ans nous rendre visite ! Cette année j’ai une pression supplémentaire, c’est la première ouverture de mon chien, Sky, que vous avez déjà croisé dans les colonnes de Nos Chasses de Migrateurs, et je veux vraiment lui faire plaisir ! Les réveils sont mis pour 4h30 ! L’ouverture est à 6h mais nous devons prendre nos places et préparer nos postes ! –

Bredouille dès l’ouverture !

le syndrôme de la bute vide @privé

Après une courte nuit, il est l’heure de se réveiller ! Benoit reste toujours à la hutte pour l’ouverture, mais moi j’ai mon poste le long de l’Authie, le même tous les ans… Je place quelques piquets de cages que j’agrémente d’une toile de jute et de quelques pieds d’oreilles de cochons pour me fondre dans le paysage ! 6h00, le premier coup de feu vient briser le silence de la baie, ça y est, c’est parti ! Les coups de feu continuent mais le temps passe… Toujours rien à portée de mon fusil… Quelques corlieux me passent sur la droite mais toujours trop loin… 3 courlis cendrés me frôlent, mais l’espèce est toujours sous moratoire… Les coups de feu se font de plus en plus rares et je décide de retourner à la hutte boire un café avec Benoit. Quelle triste ouverture, Benoit n’a pas été plus chanceux que moi… Midi, nous décidons de rejoindre le parking et de rentrer chez nous. Après 30 minutes de route, mon téléphone sonne, c’est Benoit qui m’appelle et je sais déjà ce qu’il va me demander…

« On retourne faire la nuit ? »

« Ok, je rentre, je mange, je prends une douche et on y retourne ! On se retrouver sur le parking vers 17h ! »

Allez, on ne se laisse pas abattre par cette ouverture décevante ! C’est la première nuit de la saison et je n’ai jamais fait de bredouille la première nuit en baie… Mais cette fois, le sort en a décidé autrement… Nous observons quelques canards à la passée du soir, colverts et souchets, mais aucun ne viendra se poser sur la mare durant la nuit… Première nuit, et premier capot ! La saison commence fort ! »

Bon… être capot le jour de l’ouverture dans une baie, c’est décevant, mais pas inédit ! Souvent optimiste et toujours souriant, ce n’est pas cela qui va arrêter Pierre-Antoine… 3 semaines plus tard, le 28 août, retour en Baie d’Authie, toujours accompagné de Benoit, Paco et Sky ! Ce n’est pas la guerre en baie depuis quelques jours mais cela lui fait du bien d’y revenir… Va-t-il déjà conjuré le mauvais sort ?

Et 1, et 2, et 3 capots !

quand les bredouilles s enchainent mieux vaut se mettre à la pêche @privé

« En baie d’Authie sud, nous sommes limités à 6 sauvages à l’attelage, repend Pierre-Antoine. Pour ce soir, nous allons faire simple, 6 bonnes sarcelles à bavette qui donnent correctement en début de saison ! 2 court-cri, 1 demi-cri et quelques mâles colverts pour agrémenter l’attelage ! La nuit tombe et la veille commence… Les appelants donnent régulièrement et quelques attaques se font entendre mais rien… La nuit avance et toujours aucune pose… Je commence à désespérer pour cette nuit ! Nous repartirons de la baie le lendemain matin, bredouille et un peu déçus, évidemment… A peine 1 semaine plus tard, je repars pour la 3ème nuit de la saison ! Nous sommes le 6 septembre et je pars pour une petite nuit dans l’arrière-pays Flamand ! Je rejoins un copain dans son petit trou à brun, comme il a l’habitude de l’appeler ! Ça me change de la baie ou du marais de Merlimont dans lequel j’ai chassé pendant 6 ans ! C’est une hutte au milieu des champs, dans un paysage très plat ! Nous observons quelques bécassines en fin d’après-midi, et décidons de nous poster dans la petite platière aménagée le long de la mare ! Quelques bécassines viendront littéralement nous attaquer, nous frôlant à moins de 2m ! Mon acolyte en fera basculer 3, mais aujourd’hui, je ne suis pas dedans… J’en tire 2 que je loupe lamentablement… Quelques canards étaient venus se poser sur la mare les jours précédents et nous entamons la nuit avec quelques espoirs ! Nous discutons pendant de longues heures des nuits passées dans cette installation par mon hôte du jour et de tous les souvenirs qu’il a accumulé dans cette hutte familiale ! Malheureusement, le constat est amer le matin venu : capot ! Cette nuit signe donc mon 3ème capot de la saison en 3 nuits… Je me dis que c’est le début de saison et que je vais me mettre en route tout doucement… »

Et 1, et 2, et 3 capots ! Cela va bien finir par s’arrêter !? Pierre-Antoine ne va quand même pas user tous les marais de France avant de tuer un canard ? Allons voir s’il fait mieux à Quend, sur une flaque de pâture située entre la Baie d’Authie et la Baie de Somme !

« Cette année très sèche nous pose un problème de taille, la mare est à sec… Après les petites pluies de début septembre, le niveau de la mare est monté timidement… Le copain me passe un coup de téléphone me disant que c’est chassable… Je décide donc d’y monter seul, le lendemain, le 16 septembre ! En arrivant sur place, triste constat… La petite flaque créée par les pluies s’est réduite à peau de chagrin… J’ai 100 m2 d’eau devant moi… J’hésite à rentrer à la maison, mais il est déjà tard et j’ai 1h15 de route… Heureusement, j’avais prévu le coup ! Je n’avais embarqué que des colverts, j’attache donc ma court-cri et son mâle sur le petit trou d’eau, et place 3 chanteuses en cage… J’essaye de mon convaincre qu’une sarcelle perdue pourrait venir se poser dans mon flaquet… Sans trop y croire… Effectivement, le miracle ne s’est pas produit, je repars le lendemain matin bredouille, encore une fois… Bon, celle-là, je m’y attendais et j’ai eu toute la nuit pour m’y préparer mentalement… 4ème capot ! »

Outch ! 4 nuits, 4 bulles, il faut que cela s’arrête ! Pierre-Antoine est toujours motivé et il décide de retrouver cette Baie d’Authie qu’il aime tant… Nous sommes le 3 octobre… Vous devinez la suite ?

La 5ie bredouille de rang… fait mal !

ouf il y a au moins quelques pigeons pour occuper le chien @privé

« Benoit a attelé… Les gibiers chantent, les colverts entretiennent mais la baie n’est que peu dérangée par les coups de fusil. Nous sommes bien placés pour attirer 1 sarcelle qui trainerait ou qui remonterait avec la montée de mer, nous le savons… Le jour commence à pointer le bout de son nez et toujours aucune pose… Nous décidons de ne pas trainer, Benoit va détacher et moi je range les affaires et nettoie la hutte rapidement. L’avantage en baie, c’est qu’il n’y en a pas pour longtemps ni à détacher, ni à nettoyer la hutte de 8m2, surtout les matins où le moral est en berne, à cause d’un énième capot…

Ce retour en baie signe le 5ème capot de Pierre-Antoine et le moral du huttier commence clairement à être entamé… Après 2 mois de chasse, il n’a toujours pas mis le moindre canard dans son U… Quelques jours plus tard, c’est le coup de grâce ! Un foyer de grippe aviaire est détecté dans un élevage avicole situé à Quend, la commune sur laquelle il chasse sur la petite hutte de son copain. Le périmètre d’interdiction de chasse est fatal pour lui ! Bien évidemment, la hutte de Quend n’est plus chassable pendant 1 mois, mais la zone de protection s’étend jusqu’au bord du marais de Merlimont, englobant la totalité de la Baie d’Authie !

« Mon moral commençait à en prendre un coup, mais là, je suis tranquille pendant 1 mois ! Je peux ranger la lunette et vider mon sac de hutte ! A chaque nuit que je faisais, je publiais un post sur un groupe de huttiers bien connus de tous ! Bien évidemment, mes mésaventures en faisaient rire plus d’un et je ne leur en veux pas ! On m’a vite attribué le surnom de Black Cat ! Nous en rigolions beaucoup avec un membre du groupe, Kylian, qui avait, à peu de choses près, la même chance que moi depuis le début de saison. A ce moment-là, dans mon dernier post, j’expliquais que la saison prenait un mauvais tournant pour moi avec cette interdiction de chasse pendant 1 mois ! Quelques jours plus tard, je reçois un message d’Adrien, un copain qui chasse au marais de Merlimont… qui malgré ma poisse tient à m’inviter. Le 9 octobre, je prends donc la direction d’un marais que je connais bien puisque j’y ai chassé pendant 6 ans ! Je me rends vite compte que la hutte dans laquelle chasse Adrien est dans le même coin du marais que mon ancienne cabane, à 200m tout au plus ! C’est un bon secteur et il traine quelques canards depuis quelques jours… Le frère d’Adrien fera tomber une bécassine à la passée du soir mais aucun canard en vue… Je préfère ça, je n’ai jamais fait de bonne nuit dans ce marais en voyant du canard à la passée… Les tours de veille s’enchainent, la nuit est claire, les canards chantent beaucoup mais rien… Quelques tirs viendront briser le silence du marais mais jamais dans notre secteur… Nous repartons du marais déçus, mais nous avons passé un bon moment, et c’est bien là le principal ! Très content d’avoir reçu une invitation en ces temps difficiles pour moi, mais le constat est amer, c’est la 6ème bredouille de la saison, dans 4 installations différentes… »

ENFIN !

enfin @privé

A ce moment de la saison, et cela se comprend, Pierre-Antoine a perdu sa motivation. Entre les bredouilles qui s’enchainent et les quelques coups de gibier à côté desquels il passe systématiquement, son moral de huttier est au plus bas… Pendant 3 semaines, il ne ressent même plus l’envie d’aller à la hutte… et ce jusqu’au 1er novembre, lendemain d’un beau petit coup de migration, avec la tempête.

« Quentin, un copain connu via la chasse et le Salon des Migrateurs m’annonce avoir une place pour moi le soir-même. Je n’ai pas eu besoin de réfléchir longtemps, j’accepte son invitation sans trop d’hésitation ! Je n’ai pas eu le temps d’arriver qu’une photo me parvient… Quentin vient de tuer une cane pilet posée dans le parc… Je croise les doigts pour que ça ne soit pas la seule de la nuit… J’arrive juste au moment de la passée et m’installe directement dans le poste à ses côtés. Nous sommes 3 ce soir, Quentin et Bryan accompagnent le bredouilleux que je suis. Peu avant la fin de la passée, Brian nous alerte, 2 canards arrivent de sa droite et viennent à la pose ! Avant qu’ils aient le temps de se poser, les flammes sortent des canons et ce couple de colvert fait pile dans la mare ! Je regarde Quentin et lui fais la bise ! Ce sont les premiers canards de ma saison ! La passée se termine tranquillement et, avant de rentrer, je jette un dernier coup d’œil sur la mare…. J’ai bien fait car 4 canards sont posés à gauche ! Nous décidons immédiatement de les tirer depuis l’extérieur…. 1, 2, Braouuum ! Il en reste 2 sur la mare ! Tout de suite, 1 vient se reposer avec les deux corps inertes, boom ! 3 souchets au tapis ! Mon canard préféré ! Ça y est, j’ai enfin réussi à déjouer le sort après 3 mois de bredouilles consécutives !! A ce moment-là, mon cœur de huttier bat à 1000 à l’heure ! Je suis heureux ! Nous décidons de rentrer pour manger et entamer la nuit ! Un coup de gueule se fait entendre pendant le repas… Bryan file aux trappes et nous appelle rapidement ! Il y a un souchet de posé sur la gauche ! J’attrape mon fusil et positionne le souchet sur la barre de mon U ! Au moment de tirer, on me dit d’attendre !

« Il y a des sarcelles de posées en bout de flaque » …

J’ai mon souchet dans mon U, et le temps me parait interminable…

« Tu trouves tes sarcelles dans ta lunette ? Le souchet commence à s’activer… »

les souchets de la délivrance @hosselet

Tout à coup, je vois le souchet remonter dans ma lunette et les sarcelles passer au vol sur la flaque… Je me rappellerai un moment de ce beau mâle souchet que j’avais dans ma lunette… Comme souvent, nous avons voulu être trop gourmands, mais c’est la nature qui décide… Ceux-là auront eu la vie sauve cette nuit-là ! Nous entamons les tours de veille après le repas et durant le premier tour, 2 souchets viennent se poser sur la gauche et redécollent immédiatement ! Ils font un bond et se reposent 30m plus à droite, Quentin attrape son vieux Robust et avant qu’ils aient le temps de repartir… Nous recroiserons la route de quelques canards cette nuit-là mais le gibier est électrique, il pose et se renvole aussitôt ! L’heure est venue pour Bryan et moi de prendre le chemin du boulot ! Nous quittons Merlimont sur cette très belle nuit qui me redonnera tous les espoirs pour le reste de la saison ! Le sort est enfin rompu et je peux repartir l’esprit léger ! Merci encore Quentin d’avoir accepté d’inviter un chat noir comme moi… ! »

Depuis cette nuit-là, la saison de notre ami Pierre-Antoine n’est pas exceptionnelle mais il a passé de très bons moments de chasse à travers la France ! Et même si, repartir le matin avec un canard dans son sac fait du bien au moral, le plus important reste, avant tout, le partage et la convivialité. Notre passion est belle, expliquons-la, préservons-la et la partageons ensemble les moments de joie comme les moments de déveine !

André Michelet, selon les propos de Pierre-Antoine Delcamp

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